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Un manteau ou un pistolet mitrailleur ?

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Dernière mise à jour : 1 févr.

Une même iconographie, Le gardien de la vie / la Vierge de miséricorde.

 



Hamed Aweis, The protector of life, 1967, coll. Barjeel Art Foundation, Sharjah, cliché M.S.
Hamed Aweis, The protector of life, 1967, coll. Barjeel Art Foundation, Sharjah, cliché M.S.

The protector of life, (Le gardien de la vie), huile sur toile de Hamed Ewais (1919-2011), date de 1967-1968. Elle a été présentée à la Biennale de Venise 2024.

Peintre égyptien figuratif, formé aux Beaux-arts du Caire puis de Madrid, H. Ewais est influencé par les œuvres des Muralistes mexicains dont les caractéristiques, valorisation de la culture populaire, idéalisation du « peuple », dessins naïfs et couleurs vives, se retrouvent dans ses œuvres.

Admiratif de Nasser et du programme de la Révolution égyptienne de 1952, il sera très touché en juin 1967 par la défaite égyptienne suite à la Guerre des 6 jours qui l’oppose à Israël et la crise économique qui s’ensuit.

Le gardien de la vie a été peint dans cette période d’incertitudes.

 

Le combattant moustachu, coiffé d’un foulard noué -il ne porte pas d’uniforme et ne fait donc pas partie de l'armée régulière- se tient fermement campé avec son pistolet mitrailleur[1] en bandoulière.

Il regarde vers le haut, vers le futur. Sous ses bras et entre ses mains immenses, se protège toute une foule de personnages : on retrouve mères et enfants, couple d’amoureux, écolière, scientifique ou fellahs de la vallée du Nil. Entre tradition et espérance, tous ces petits personnages colorés symbolisent et valorisent le peuple égyptien et son espoir d’un futur meilleur.

 À la droite du combattant, des ouvriers, des usines, une ville blanche et une mosquée, une palmeraie redisent les mêmes thèmes.




Un poteau électrique et les terrassements du Grand barrage d’Assouan qui sera inauguré en 1971, fer de lance de la politique agricole et énergétique de Nasser, se profilent dans le lointain. Sur sa gauche, l’arbre mort et la terre rouge seraient, selon certains auteurs, la représentation de la péninsule du Sinaï, gagnée par Israël en 1967[2], en nostalgie d’une terre perdue.

Éminemment politique, en soutien à la politique de Nasser et dans un contexte de guerre, cette peinture nous dirait-elle en réalité que seules les armes garantiront la vie et la liberté du peuple égyptien et son désir de développement social et économique ?

 

Elle est guerrière sans aucun doute. Toutefois, cette représentation ne peut manquer de nous en rappeler une autre, plus familière, La Vierge de Miséricorde.


Piero della Francesca, Vierge de miséricorde, détail du polyptique, 1445-50. Huile et tempera sur panneau, Museo civico, Borgo san Sepolcro.
Piero della Francesca, Vierge de miséricorde, détail du polyptique, 1445-50. Huile et tempera sur panneau, Museo civico, Borgo san Sepolcro.

Sous son grand manteau déployé qu’elle écarte de ses bras, Marie, bienveillante, offre sa protection et son intercession pour l’humanité qu’elle protège, « armée » de son seul manteau.

Délibérément ou inconsciemment – sa formation l’a forcément fait rencontrer le thème- Hamed Ewaïs le transpose en gardant la même iconographie avec grand personnage et petits personnages protégés par la force et la présence physique du protecteur, sans bien sûr le contexte religieux des Vierges de miséricorde.


 













Vierge de miséricorde, sans les personnages. Musée Correr, Venise


Manteau contre pistolet mitrailleur, le sens de ces œuvres ne peut être plus différent.

En gardant cependant une constante : seul plus puissant que lui peut protéger la vie du « peuple »...


[1] Modèle probablement copié sur une arme russe le PPSH41. La présence russe fût très forte dans ces années de coopération financière et technique pour la construction du barrage.

[2] La péninsule sera rendue à l’Égypte en 1975.

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