top of page

Âgé de deux ans à peine, les miracles de Jésus. 7.

martinesadion2

Dernière mise à jour : 1 févr.

pendant la Fuite en Égypte.

Simon Vouet, 1638.


Simon Vouet, Le repos pendant la Fuite en Égypte, 1638, © coll. Musée de Grenoble.
Simon Vouet, Le repos pendant la Fuite en Égypte, 1638, © coll. Musée de Grenoble.

Ce Repos pendant la fuite en Égypte, conservé au Musée de Grenoble, est une peinture de retable, une œuvre imposante de 2m par 1m28, qui avait vocation à embellir une église grâce au mécénat d'un riche donateur. En choisissant un peintre renommé, il asseyait aussi sa propre notoriété.

Elle a été commandée en 1638 à Simon Vouet, un des peintres alors les plus en vue de Paris, par Michel le Beauclerc, baron d’Aschères, prévôt et maître des cérémonies de Louis XIII. Avec d’autres œuvres de Vouet, elle ornait la chapelle de sa famille dans l’église Saint-Bernard du Couvent des Feuillants, rue saint-Honoré à Paris[1].  La chapelle étant vouée à saint Joseph, il fût demandé à Simon Vouet d’illustrer la vie de ce saint, ce qui explique la place centrale que Joseph occupe dans ce tableau.

Comme beaucoup d’œuvres d’église, la peinture est confisquée à la Révolution. Exposée d’abord au Louvre, elle est ensuite redistribuée comme beaucoup d’autres vers les musées de province qui réclament eux-aussi à Vivant-Denon des œuvres pour créer leur musée. En 1799, c’est le premier conservateur du musée de Grenoble, Louis-Joseph Jay, qui la choisit parmi d’autres pour devenir un des fleurons des collections du futur musée des Beaux-arts de Grenoble[2].

Au début du Moyen-âge, l’auteur de l’Évangile apocryphe du Pseudo-Matthieu, devant le presque mutisme des évangiles canoniques qui ne racontent rien de la Fuite en Égypte, s’est chargé de broder et d’inventer des péripéties merveilleuses : il raconte ainsi que l’enfant de deux ans demanda à un palmier de se courber afin que sa mère puisse cueillir les dattes et boire à la source dissimulée dans ses racines. Ou que des statues païennes se fracassèrent par son seul regard.

Pour représenter ces deux épisodes miraculeux, Simon Vouet loge les quatre principaux personnages dans une forme triangulaire dont le sommet serait l’épaule droite de Joseph et le centre, Jésus.

À gauche, Marie, assise et tendre, tient entre ses jambes l’enfant debout qui s’appuie contre elle : Jésus regarde, presque inquiet comme un vrai petit garçon, le bel ange inconnu, aux épaules dénudées, qui lui tend des dattes[3]. Et sa main se tend instinctivement vers celle de son père.

Joseph, dont la main droite retient encore la branche du palmier, se penche dans un mouvement qui traverse l’espace du groupe, comme jaloux de l’ange, pour donner des dattes à l’enfant. Au-dessus de lui, dans des nuages gris, trois angelots joufflus volètent et s’affairent à plier les branches pour l’aider. Sa toge orange vole au vent…

Quant au deuxième miracle, il est évoqué par la statue brisée, tombée de son socle sur lequel Marie appuie son coude. L’Évangile du Pseudo-Matthieu raconte qu’à peine Marie et le petit enfant entrèrent dans le temple païen de la ville égyptienne de Sohennen, les 365 statues qui l’ornaient « se renversèrent et toutes ces idoles gisant face contre terre révélèrent qu’elles n’étaient rien. »  Avec la Vie de Jésus en arabe et la Légende dorée de Jacques de Voragine [4], autres textes postérieurs qui reprennent cette légende, les 365 statues ne deviennent plus qu’une, souvent représentée comme une statue antique, grecque ou romaine, symbole des religions idolâtres aux mille dieux .

Bien que se situant pendant un épisode tragique de l’enfance du Christ, la scène que peint Simon Vouet est apaisée : dans ce moment de repos, l’affection entre les différents personnages et l’attention donnée à l’enfant protégé par ses parents et l’ange, messager de Dieu, se lisent à travers des gestes, des regards.

Joseph, souvent mis au second plan comme simple mari de la Vierge, devient dans cette chapelle qui lui est consacrée, un « père » nourricier, attentif et essentiel au bonheur de la Sainte Famille.   

 

Autres images:



G.D. Tiepolo, Idées pittoresques sur la Fuite en Égypte, planche 22, la chute des idoles, 1753, coll. MAH Genève.
G.D. Tiepolo, Idées pittoresques sur la Fuite en Égypte, planche 22, la chute des idoles, 1753, coll. MAH Genève.
J.J. Lagrenée (1739-1821), Le miracle du palmier et la chute des idoles pendant la Fuite en Égypte, coll. MBA Rennes.
J.J. Lagrenée (1739-1821), Le miracle du palmier et la chute des idoles pendant la Fuite en Égypte, coll. MBA Rennes.

[1] Anne Le Pas de Sécheval, “Le mécénat laïc dans les églises de Paris au XVIIe siècle”, Rives nord-méditerranéennes [Online], 6 | 2000, Online since 15 October 2004, connection on 06 January 2025. URL: http://journals.openedition.org/rivesnm/63; DOI: https://doi.org/10.4000/rives.63

L’église, achevée vers 1608, fût détruite sous le Consulat.

[2] Notice du Musée de Grenoble.

[3] À la couleur claire très surprenante. Mais les dattes n’étaient pas marchandise courante à Paris au XVIIème siècle !

[4] Pierre Wachenheim, La chute des idoles, in cat. La fuite en Égypte, la vie sauve, Musée de l’Image, 2018. De Mûelaere Gwendoline, La chute des idoles lors de la Fuite en Égypte, analyse iconologique, Koregos, n°49, 2013.


22 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Comments


Post: Blog2_Post
bottom of page