pendant la Fuite en Égypte.
1472, chapelle San-Fiorenzo, à Bastia Mondovi (Piémont).

À Bastia Mondovi dans la province de Cuneo, village proche de la route qui rejoint par le col de Tende le comté de Nice, la chapelle, vouée à saint Florent, date de la fin du XIème siècle. Mais l’important ensemble de peintures qui la décore ne fût commandé qu’en 1472 à plusieurs peintres itinérants et locaux dont Giovanni Canavesio, Giovanni Baleison ou les frères Giovanni et Enrico Mazzuco, tous piémontais.
Giovanni Canavesio (vers 1450-1500) est originaire de Pinerolo à quarante kilomètres au sud-ouest de Turin sur la route du col de Montgenèvre. Prêtre et peintre-voyageur- il décorera aussi les chapelles de Saint-Etienne de Tinée, de Venanson et vers 1492, Notre-Dame des Fontaines à La Brigue dans le comté de Nice- il est influencé par les peintres de l’Italie du nord ou florentins comme Piero della Francesca (vers 1420- 1492) mais possède aussi, comme modèles de ses travaux, des gravures flamandes[1], ce qui explique les nombreuses influences que l’on a pu retrouver dans ses décors.
Giovanni Baleison (vers 1463- après 1492) quant à lui, est originaire de Demonte au sud de Cuneo. Il travaillera à plusieurs reprises avec Canavesio dans les chapelles du Piémont et en Provence. Quant aux frères Mazzuco, originaires de Mondovi, ils œuvrent aussi en Piémont et dans le Comté de Nice.
Les sept panneaux de la vie de la Vierge et de l’enfance du Christ décorent la contre façade de la chapelle et se déploient sur deux registres superposés.
Au registre supérieur, et de gauche à droite se placent la Présentation de Marie au Temple, le Mariage de la Vierge, la Nativité et la visite des rois mages. Au registre inférieur, le Massacre des Innocents, une noble dame (couronnée mais sans auréole), le Miracle des blés qui surmonte le linteau de la porte d’entrée, puis saint Lazare, saint protecteur des lépreux et sa cliquette[2] et enfin le Miracle du palmier, en partie détruit dans sa partie basse par l’humidité des murs de l’église.

Ainsi se mêlent des épisodes issus des évangiles canoniques et des apocryphes, épisodes que l’on retrouvera presque tous dans les cycles de décors postérieurs et qui se sont peu à peu imposés comme les épisodes obligés de ces cycles.
Dans ce mur, percé par la porte et une lucarne, la disposition des panneaux a été soigneusement programmée et construite en deux registres. Ainsi, dans l’espace entre le linteau supérieur de la porte et la ligne blanche séparant les deux registres, le peintre a logé le Miracle des blés dont les personnages et l’action peuvent facilement s’inscrire dans un rectangle allongé. Un groupe de soldats casqués et armés discutent dont le premier interroge le paysan qui laboure avec ses bœufs et sème son champ. Mais, concomitamment, les blés dans le fond de l’image sont mûrs… ce qui explique le désarroi apparent des soldats qui discutent entre eux.


Quant au Miracle du palmier dattier, séparé du premier par la figure verticale de saint Lazare, il est encore assez proche de l’iconographie dépouillée choisie par Giotto à Assise avec les personnages en file et sans réelle perspective : on retrouve en position centrale Marie sur son âne et Joseph le guidant dans un décor esquissé avec deux palmiers et quelques rochers se détachant sur le fond noir.

L’enfant emmaillotté parle à sa mère et c’est lui qui tend les bras vers un des palmiers pour lui demander de se pencher. Ce geste de l’enfant, pourtant très charmant, ne sera pas retenu par les peintres dans les décors postérieurs.
1492, chapelle Notre-Dame des Fontaines à la Brigue.

En traversant les Alpes dans l’arrière-pays de Nice, sur le même chemin qui rejoint, par le col de Tende, Cuneo et le Piémont, la chapelle de Notre-Dame des Fontaines, connue pour les sources voisines, est un lieu de pèlerinage très fréquenté depuis le treizième siècle.
L’ensemble de ses murs intérieurs reçoit vers 1492, un décor en cases. Dans la nef, se déploient les scènes de la Passion du Christ alors que le chœur et l’arc triomphal qui le sépare de la nef, présentent les scènes de la vie de la Vierge et de l’Enfance de Jésus.
Les peintures ont été confiées à ces deux peintres itinérants que l’on a déjà rencontré à Bastia Mondovi, Giovanni Baleison et surtout Giovanni Canavesio pour les scènes du mur séparant le chœur de la nef. Ces peintres itinérants, ensemble ou séparément, n’hésitaient donc pas à traverser les Alpes au gré des commandes qui leur étaient faites - certains voyagèrent jusqu’en Sardaigne. Ils diffusèrent ainsi leurs modèles, avec cependant quelques variantes, et la proximité esthétique entre Bastia Mondovi et la Brigue est évidente.
Sur quatre registres, de haut en bas de chaque côté de l’ouverture, on retrouve la Naissance de la Vierge, le Mariage de Marie et Joseph, la Visitation, et dans deux écoinçons face à face, la Vierge et l’ange de l’Annonciation. Puis La Naissance de Jésus, la Circoncision, la Visite des rois mages, la Fuite en Égypte, le Massacre des Innocents et enfin la Présentation au Temple. L’espace dévolu étant plus grand mais le nombre de scènes à représenter s’étant aussi accru, Giovanni Canavesio a choisi de « compresser » dans une seule case, le miracle des blés et celui du palmier.
On retrouve toujours en position centrale le groupe de la Vierge et l’enfant emmailloté sur l’âne conduit par Joseph. Ici, c’est Marie qui tend son bras vers le régime de dattes qu’un ange lui rapproche. Le chemin sur lequel chemine la Sainte-Famille, en pente, mène vers les murailles d’une ville dans le lointain, ville imaginaire, à la fois égyptienne et Jérusalem Céleste.

Séparés par une haie d’arbres qui scinde les deux miracles, les bœufs du paysan, en taille réduite par rapport aux sabots de l’âne qui les touchent mais dans un autre espace-temps, labourent. Derrière eux, le paysan, brutalisé par les soldats d’Hérode, conforte son discours en leur montrant les blés désormais mûrs. Vingt ans après Bastia-Mondovi, cette Fuite en Égypte de Giovanni Canavesio, rassemblant désormais les deux miracles, fourmille de détails qui remplissent la case. Quant au plan de l’image, il s’est relevé au point de supprimer presque entièrement le ciel.
[1] THEVENON, Luc, G. Canavesio, décorateur de ND des Fontaines à la Brigue, sources et influences, Nice historique, 1997, n°269.
[2] Instrument en bois dont les pièces résonnent entre elles afin de prévenir de l’arrivée des lépreux.
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