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Âgé de deux ans à peine, les miracles de Jésus. 4.

martinesadion2

Dernière mise à jour : 1 févr.

pendant la Fuite en Égypte.



Les fresques de Giotto (Florence, 1267- 1337) à Padoue – mais la forme en séquences était déjà utilisée dans les prédelles des retables[1]- sont très probablement la source originelle et lointaine de la présentation en cases de ces peintures alpines.

Pour raconter les vies de Jésus ou de saints, les « moments sélectionnés », dont le choix est dicté par des théologiens ou les commanditaires, sont peints chacun dans une case. La narration est interrompue par un « silence » - matérialisé par un trait blanc ou une frise décorée- puis elle est reprise dans un autre épisode. Avec leur bonne connaissance des textes saints, les fidèles savaient, si besoin, reconstruire la narration omise dans ces vides, entre les images.

 

Giotto, chapelle des Scrovegni, Padoue.
Giotto, chapelle des Scrovegni, Padoue.

À la demande du banquier Enrico Scrovegni, Giotto peint entre 1303 et 1305 les cases en bande qui décorent les murs latéraux de la chapelle de la famille à Padoue[2]. Vingt-quatre sont dédiées à la vie du Christ et douze à la vie de Marie. Parmi elles, figure, entre la Présentation de Jésus au Temple et le Massacre des Innocents, la Fuite en Égypte qui s’inspire directement de la description du Pseudo-Matthieu. Aucun des miracles n’est cependant représenté.

Dans un paysage désertique réduit à quelques montagnes et six arbres éparpillés, la Sainte Famille est en route. Trois groupes défilent de gauche à droite : d’abord, trois accompagnateurs qui conversent. Selon le Pseudo-Matthieu : « trois jeunes garçons […] faisaient route avec Joseph et une jeune fille avec Marie. » Puis Marie, en position centrale juchée sur un âne, portant l’enfant en bandoulière. Enfin, le conducteur de l’âne qui devise avec Joseph et suit la direction indiquée par un ange volant dans le ciel. Entre les personnages qui discutent, se regardent, Marie soucieuse, fixe le lointain, l’enfant apaisé sourit.

 

Giotto et atelier, basilique inférieure, Assise.
Giotto et atelier, basilique inférieure, Assise.

Giotto reprend le même thème entre 1306 et 1311 et désormais avec les membres de son atelier, dans le transept droit de la basilique inférieure d’Assise. Mais si le défilé vers l’Égypte garde la même forme, désormais seuls cinq personnages et deux anges sont présents dans un paysage à la perspective plus complexe. Les murailles de deux villes sont perchées sur les nombreuses collines et, parmi les arbres, s’incline désormais le palmier du miracle. Mais il n’est pas encore un des protagonistes majeurs de la scène…

En ce tout début du quatorzième siècle, Giotto, après son maître Cimabue qui a initié cette évolution, vient de révolutionner la peinture, se détachant définitivement des modèles byzantins[3] : dans un décor en perspective, ses personnages perdent leurs postures hiératiques pour devenir des femmes et des hommes montrant leurs caractères, leurs sentiments, leurs joies et leurs peurs.

 

Très au fait des évolutions et des modèles de la peinture, les peintres itinérants qui peindront deux cent ans plus tard les chapelles alpines connaissaient indubitablement les œuvres de Giotto. Mais ils ont aussi fait connaissance, grâce aux estampes, avec les iconographies choisies par les peintres flamands, de l’Italie du nord ou de l’Allemagne. Car, peu à peu, après la relative sobriété des peintures de Giotto, des détails, des gestes sont devenus plus explicites, plus extrêmes, la représentation de la Fuite en Égypte plus complexe …  

 

Martin Schongauer, La fuite en Égypte, 1475, coll. Cabinet des dessins, MBA Strasbourg.
Martin Schongauer, La fuite en Égypte, 1475, coll. Cabinet des dessins, MBA Strasbourg.

Ainsi, la gravure virtuose du miracle du palmier que fait vers 1475 Martin Schongauer (Colmar, vers 1445- 1491) foisonne de détails, de gestes amplifiés. La Sainte-Famille s’est ici arrêtée pour manger les dattes que Joseph cueille, en arrière-plan. Marie et l’enfant sur l’âne sont toujours en position centrale mais la place qu’occupent Joseph affairé, les anges « cramponnés » au palmier qui l’inclinent presque de force pour donner ses fruits, la forêt d’arbres exotiques, les animaux, cerfs ou lézards, font de ce supposé paysage égyptien un monde exotique à découvrir ; dans une ouverture de la forêt, se dessine une maison sur une colline.

Indubitablement, le modèle giottesque, encore relativement statique, s’est peu à peu complexifié et enrichi, et ces influences successives se lisent dans les représentations des chapelles populaires de l’arc alpin.


[1] Bande d’images qui reprennent en partie inférieure et en plus petit, la vie du personnage peint dans la partie supérieure du retable.

[2] Zuffi, Stefano, Giotto, la cappella degli Scrovegni, Skira, 2012

[3] PLEYNET Marcellin, Giotto, Hazan, 1985. Zuffi, Stefano, Giotto, la capelle degli Scrovegni, Skira, 2012.

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