Pendant la Fuite en Égypte
En nos temps de guerres, de migrations, de populations obligées de quitter leur pays pour avoir la vie sauve, l’épisode de la Fuite en Égypte de la Sainte Famille est un thème de l’Histoire Sainte qui nous touche particulièrement.

Selon l’Évangile de Matthieu, après sa naissance et la visite des mages astrologues, Jésus et ses parents, Marie et Joseph, durent quitter précipitamment le village de Bethléem en Judée. Les mages l’ayant informé de la naissance d’un nouveau « roi des Juifs », Hérode, le roi de Judée, venait d’ordonner le massacre des enfants de moins de deux ans : il s’agissait pour lui de supprimer au plus vite un futur concurrent…
Pendant cette fuite et lors de son séjour en Égypte, il est dit que Jésus enfant a fait de nombreux miracles dont la véracité nous semble aujourd’hui très contestable… mais ils émerveillèrent très longtemps des gens prêts à les croire. Après tout, ils étaient peints sur les murs des églises, comment en douter ?
Seul évangéliste à mentionner ce départ soudain, Matthieu (2,13-21) dit peu de choses sur ce grand et périlleux voyage : « Joseph s’éveilla, prit l’enfant et sa mère. Au cœur de la nuit, il gagna l’Égypte où il séjourna jusqu’à la mort d’Hérode. »
Et c’est très peu pour les chrétiens qui se posent mille questions : comment ont-ils voyagé, qui ont-ils rencontré lors de ce périple ?
Pour les contenter, ce sont les auteurs des évangiles apocryphes [1] qui se sont chargés de « broder » sur ces quelques lignes succinctes comme l’auteur de l’Évangile du Pseudo-Matthieu, appelé aussi Livre de la naissance de la bienheureuse Vierge Marie et de l’enfance du Sauveur. Probablement rédigé au début du Moyen Âge, il reprend en grande partie un texte antérieur, le Protévangile de Jacques. D’autres textes comme l’Évangile de l’enfance [2] dont on a retrouvé des rédactions syriaques, arabes ou arméniennes ainsi que des récits de mystiques médiévaux, de drames liturgiques et des Mystères, viendront s’ajouter aux premières « broderies ».
Et ainsi de suite, au fil des siècles dans une joyeuse cacophonie…
Circulant en même temps que les évangiles canoniques, les apocryphes rencontrent un succès inégalé. Avec eux, la Fuite en Égypte devient le récit d’un périple fantastique, émaillé de miracles qui participent à l’édification des fidèles, impressionnés par ces merveilles si éloignées de leur vie quotidienne.
Le bœuf et l’âne de la Nativité, Marie et Jésus sur l’âne et Joseph à leurs côtés, Jésus qui mate les dragons assaillant la Sainte Famille, les lions et les loups qui accompagnent le convoi dans le désert, le miracle du palmier, le miracle de la destruction des 365 statues d'idoles, le miracle des blés… sont tous des « inventions » des évangiles apocryphes ou d’autres récits semblables.
Peu à peu, et même si l’Église ne les reconnaît pas, les miracles de Jésus pendant la fuite en Égypte deviennent des épisodes incontournables de sa petite enfance.
Poignants et tendres à la fois, même s’ils ne sont que de jolies légendes, ils ont nourri pendant des siècles, l’imaginaire de nombreux créateurs, des plus savants aux plus populaires. Car si ces thèmes ont inspiré Giotto, Sandro Botticelli, Albrecht Dürer, Pierre Paul Rubens, Nicolas Poussin et bien d’autres… ils ont aussi séduit les commanditaires des peintures des églises paysannes les plus humbles : il s’agissait alors d’éduquer les fidèles en mettant à leur disposition sur les murs des églises les épisodes les plus marquants de la vie et de la Passion du Christ, événements dont les fêtes émaillaient la vie de tous les jours, Nativité le 25 décembre, Saints Innocents le 28 décembre etc.
[1] Non reconnus comme authentiques par les Églises chrétiennes au contraire des Évangiles canoniques. Ils n’en eurent pas moins un retentissement important sur l’histoire de la vie du Christ et de sa famille, légendes qui devinrent peu à peu faits avérés.
[2] Évangiles apocryphes, t. II, l’Évangile de l’enfance, rédactions syriaques, arabes et arméniennes, P. Peeters (éd.) ; Paris, Picard, 1914.
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