Cette photographie noir et blanc appartient à la série Lônes, de Jacqueline Salmon[1]. Les lônes, dans ce franco-provençal autrefois parlé de Lyon à Montélimar, ce sont ces étendues d’eau que le Rhône, après une crue et se retirant dans son lit, abandonne. Désormais stagnantes, les eaux s’endorment dans leurs souvenirs de flots autrefois violents et déchaînés. Dans ces mares cachées, loin désormais des tumultes du fleuve, ils ont emporté avec eux des branches cassées, des amas d’herbes pliées, des détritus aussi laissés par les hommes. C’est le règne du désordre, du sauvage.
Pourtant, dans ces photos où l’abstraction du noir et blanc nous permet tout imaginaire, des signes imperceptibles se devinent peu à peu. Les troncs effondrés dessinent des passerelles imprévues, les pétales des merisiers en fleur semblent tracer des géographies étranges.
Les lambeaux de plastique et d’herbes, déchets dépecés et abandonnés dans les branches, forment des croix, des totems voués à des divinités sauvages, des robes de fées disparues. Les branches bougent comme des bras immenses. Des chemins légers pourraient avoir été empruntés par des êtres imaginaires.
Le reflet du nuage qui miroite dans l’eau glauque, est carré.
Le regard que Jacqueline Salmon porte à ce paysage nous révèle sa magie secrète, son étonnante poésie.
[1] Une commande sur le thème Le Rhône et le sacré de la Conservation départementale de la Drôme en 1990. La série conservée à la Conservation du Patrimoine de la Drôme est éditée aux éditions Marval. http://www.jacquelinesalmon.com/
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